Delisle, J., Servy, H. (2018)
“Bonjour docteur, je viens vous voir car je suis sûr d’avoir…” Quel médecin parmi nos lecteurs n’a pas vécu cette situation ?
C’est un fait, le temps du patient passif est révolu. Le mot patient, dérivé du latin patiens soit “celui qui endure” ou “celui qui souffre” renvoie l’image d’une posture passive de ce dernier face aux soins et au médecin et d’une relation unilatérale du sachant vers le patient. Ensuite, on a vu l'avènement du patient “client” dans les années 90, où le monde de la santé se devait de répondre à une demande et proposer une offre de service comme une entreprise classique. Bien que fortement décriée, cette tendance a eu pour effet de casser quelque peu l’image du sachant tout puissant et de favoriser la recherche de la meilleure réponse possible à la demande. L’apparition de l’accréditation des établissements de santé à la fin des années 90 en est un exemple en adoptant les démarches qualité issues du monde industriel et en faisant participer les usagers à la “conduite” de l’hôpital. La loi du 4 mars 2002, introduit certains droits à l’information médicale, le plus souvent délivrée individuellement, mais elle favorise également les associations de patients. Depuis, les patients n’ont de cesse d’acquérir un rôle de plus en plus actif dans le processus de soin et de faire évoluer la relation avec leur médecin, par la concrétisation de concepts tels que la prise de décision partagée et l’autonomisation du patient. Ces évolutions sont favorisées par l’accessibilité de l’information en santé sur internet.
Certains aujourd’hui n’hésitent pas à parler “d’actient” (patient qui agit) pour décrire des patients toujours plus informés et toujours plus soucieux de la bonne compréhension de leur prise en charge. Que ce soit avant la consultation afin d’acquérir les bases qui favoriseront un échange constructif avec vous ou bien après la consultation dans le but de s’assurer (se rassurer) que vous leur aurez bien dit la vérité et que le traitement que vous leur aurez prescrit est bien le meilleur dans leur cas. La consultation de sites médicaux par les patients n’est plus à démontrer. Internet est devenu la 2ème source consultée par les patients en ce qui concerne leur santé, après leur médecin bien sûr ! (étude Accenture 2015).
Mais la profusion d’informations apporte avec elle son lot de dérives. Certains patients, fragilisés par leur situation, peuvent prendre pour vérité absolue certains discours éloignés de la médecine “traditionnelle”. D’autant plus qu’à l’instar des sites de partage d’expérience hôtelière, touristique, etc. l'apparente proximité (“un patient qui souffre comme moi”) a tendance à être souvent perçu comme le plus haut niveau de preuve; par delà même toutes les preuves scientifiques d’une médecine moderne.
(publication) Delisle, J., Servy, H. (2018). Internet de la santé : danger des sites patients ? Health information on Internet : risk or chance for the patient? La lettre du Rhumatologue, 447, 37-42.
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